À l'aérodrome militaire de Mazzé, près de Damas, la réalité et la fiction s'entrelacent. Sur ce terrain autrefois chargé de souffrance, où tant de Syriens ont été emprisonnés et torturés, se déroule le tournage de la série La famille du roi. Le réalisateur, Mohammad Abdel Aziz, souligne l'ironie du sort : "Il est difficile d'imaginer qu'on filme ici, là où la force militaire a toujours prévalu, aujourd'hui transformé en plateau de tournage retraçant la déliquescence du pouvoir".
Ce projet représente bien plus qu'une simple série de télévision. C'est un vibrant témoignage de la lutte contre l'oppression, une affirmation de la mémoire collective. Depuis la chute de Damas en décembre 2024, de nombreux artistes, qui avaient fait le choix de l'exil en raison de leur opposition au régime de Bachar al-Assad, reviennent pour redynamiser l'industrie cinématographique du pays.
Des lieux emblématiques de l'oppression, comme l'aéroport et la "branche Palestine", qui évoquent la terreur du régime, sont désormais des décors de fiction. Tournant sur ces sites, où les personnes en détention étaient soumises à des traitements inhumains, les équipes techniques reconstituent des scènes de libération dramatique de prisonniers pendant les derniers soubresauts du régime. Ces lieux, jadis interdits d'accès, deviennent ainsi des symboles de résilience.
Au milieu de ces efforts, des voix comme celle de Maan Sabqani, le scénariste, expriment des inquiétudes quant à la pérennité de la liberté artistique, alors que la censure continue d'exister sous une forme plus douce. "Nous espérons que la liberté de création que nous expérimentons aujourd'hui ne sera pas un mirage", déclare-t-il.
En complément de La famille du roi, d'autres productions ont vu le jour, abordant des thématiques similaires. Des Netflix locaux commencent à émerger, attirant un public avide de récits authentiques. La série Les Syriens ennemis évoque les expériences traumatisantes des citoyens face aux services de renseignement, tandis que La sortie vers le puits raconte une mutinerie tragique dans la prison de Saydnaya, souvent désignée comme un "abattoir humain" par Amnesty International.
Il est clair que cette résurgence de la narration artistique en Syrie est le reflet d'une transformation plus vaste. Les artistes embrassent leur rôle de chroniques vivants, mettant en lumière les blessures encore béantes d'une nation tout en construisant un avenir où la créativité peut s'épanouir. En ce sens, les voix syriennes, enfin libérées, représentent une mémoire vivante de la lutte pour la dignité et l'humanité.







