Des messages alarmants de désespoir ont récemment été découverts par des clients ayant acheté de la drogue dans un point de deal à Marseille. "Bonjour, on est séquestré pour le réseau. SVP appelle la police" était écrit sur une note glissée dans le pochon, révélant ainsi une réalité poignante et préoccupante que vivent de nombreux mineurs dans la cité phocéenne.
Le procureur de Marseille, Nicolas Bessone, souligne que de nombreux mineurs sont victimes de violences extrêmes, de séquestration et d'extorsion au nom de la criminalité organisée, et il évoque désormais le terme de traite d'êtres humains pour décrire cette crise. Des centaines d’adolescents, souvent issus de milieux fragilisés, sont recrutés par des réseaux sur les réseaux sociaux, un phénomène qui a émergé avant la pandémie de Covid-19. Certains d'entre eux viennent même de l'extérieur, entraînant ce qu'on appelle désormais le "narcotourisme".
Une activiste anonyme, qui œuvre dans le secteur associatif, témoigne : "On leur vend l'illusion d'un emploi facile, mais travailler comme guetteur pour seulement 100 euros pour toute une journée est tout simplement une exploitation". Ces jeunes sont souvent victimes de violences physiques et psychologiques, et il est presque impossible pour eux de sortir de ces réseaux. Comme l'indique Hakim, un adolescent de 15 ans qui a tenté de rejoindre le réseau, il a rapidement réalisé la réalité brutale qui l'attendait. "Ils m'ont pris mon téléphone et je devais dormir dans des conditions inhumaines", raconte-t-il aux enquêteurs.
Les histoires des jeunes engagés dans ces réseaux sont souvent tragiques. Un cas récent implique deux jeunes mineurs de la cité de Frais-Vallon qui, à travers des messages écrits dans les pochons de drogue, ont demandé de l'aide, révélant qu'ils étaient également victimes d'abus et de violences. Leur appel a finalement permis leur sauvetage grâce à un passant vigilant. Malheureusement, ce ne sont là qu'une infime partie des nombreux cas de souffrance et d'exploitation.
Un élément préoccupant est la façon dont ces réseaux ciblent souvent des fratries. Si un membre de la famille ne parvient pas à rembourser une dette, des membres plus jeunes se retrouvent entraînés dans des situations horribles. "La peur de représailles empêche souvent les victimes de porter plainte", souligne un directeur d'établissement pour mineurs délinquants, ce qui accentue davantage l'omertà qui prévaut dans ces milieux.
Isabelle Fort, responsable de la lutte contre la criminalité organisée au parquet de Marseille, décrit ces adolescents comme "interchangeables, traités comme des mouchoirs jetables". Cette violence systémique soulève des questions fondamentales sur la manière dont la justice traite ces mineurs, souvent perçus comme des délinquants au lieu de victimes. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a commencé à plaider pour un changement de perspective, soulignant la nécessité de considérer le trafic d'êtres humains dans le cadre de la lutte contre la drogue.
Cette crise est sans précédent en France, où la question de la traite d'êtres humains a longtemps été associée aux réseaux de prostitution et à la mendicité forcée, mais jamais aux réseaux de trafic de drogues. L’Unicef a également tiré la sonnette d’alarme, rappelant qu’il est contraire aux normes internationales que des enfants victimes d’exploitation soient poursuivis plutôt qu’aidés.
Alors que le pays commence à reconnaître cette problématique, le parcours des victimes reste semé d'embûches. "Il est crucial de leur offrir un environnement sûr pour se reconstruire, loin des violences systématiques auxquelles ils sont habitués", insiste un directeur d’établissement. La lutte contre l'exploitation des mineurs à Marseille ne fait que commencer, mais il est évident que des mesures concrètes et une prise de conscience collective sont nécessaires pour protéger ces adolescents devenus les innocentes victimes d'un système implacable.







