Dans un contexte agricole critique, le gouvernement français a initié, ce lundi, les "conférences de la souveraineté alimentaire". Cet événement vise à établir une stratégie nationale agricole pour la prochaine décennie, mais les agriculteurs, en proie à des doutes, accueillent cette initiative avec circonspection.
La situation actuelle est préoccupante : la France pourrait connaître un déficit agricole en 2025, une première en presque cinquante ans. Actuellement, environ 50 % des fruits et légumes, ainsi que 60 % de la viande ovine et 25 % du bétail sont importés. Ces chiffres incitent à repenser la production locale, ce que la ministre Annie Genevard a qualifié de "réarmement" face à un monde incertain, déclarant que "la France doit produire plus pour mieux manger".
Un retour symbolique à Rungis
Le lancement de cette initiative a eu lieu au marché de gros de Rungis. La FNSEA, premier syndicat agricole, a choisi de s'éloigner de cet événement qu'elle perçoit comme une opération de communication plutôt que comme une véritable mobilisation. "Cela fait des années que nous signalons une tendance inquiétante. Ce qui importe, c'est la manière dont nous garantirons des revenus pour les exploitations", a déclaré Hervé Lapie, le secrétaire général de la FNSEA.
Le mécontentement est palpable : après deux hivers tumultueux, le monde agricole est à un tournant, traversant des crises sanitaires et des fluctuations importantes des prix. Des actions sont déjà en cours, comme la protestation contre la politique d'abattage des bovins touchés par la dermatose ou le mouvement contre l'accord de libre-échange UE-Mercosur.
La Coordination rurale, un autre syndicat majeur, abonde dans ce sens, critiquant le ministère pour son manque de réponse aux préoccupations des agriculteurs, qu'ils estiment bloqués par une réglementation trop contraignante. En revanche, la Confédération paysanne plaide pour une définition de la souveraineté alimentaire qui privilégie le choix des types d'agriculture au lieu d'une simple augmentation de la production.
Alors que la nécessité de prendre des décisions se fait pressante, les différentes filières, comme celles de la betterave sucrière ou du blé dur, ont commencé à établir des diagnostics concrets et à élaborer des plans de souveraineté.
Impliquer la transformation
Ces conférences visent également à intégrer le retour d'expérience des industriels, avec une attention particulière portée à l'évolution de la demande des consommateurs. "Nous voulons élaborer un plan d'action de production durable qui tienne compte des attentes du marché français, européen et mondial", souligne le ministère.
Des groupes de travail seront constitués pour encadrer ces discussions et déterminer des projets structurants, tout en intégrant des enjeux environnementaux tels que la lutte contre le changement climatique et la réduction des pesticides. Ludovic Spiers, ancien directeur général d'Agrial, a été désigné comme coordinateur général de cet ambitieux chantier.
Enfin, la ministre Genevard a insisté sur l'importance du rôle du consommateur dans cette démarche, l’invitant à reconnaître l'impact de ses choix d'achat sur l'économie agricole. Les conférences devraient également s'aligner sur des stratégies nationales en matière de nutrition et de climat qui sont encore en attente d'implémentation.







